Imaginez la première lumière du printemps touchant les flancs fertiles de Kyushu, là où la terre est nourrie par les cendres du Sakurajima. C’est ici que naît le shincha, thé d’aventure et de tradition, dont la récolte débute, selon la coutume ancestrale, au 88e jour après le premier jour du printemps. Cette date marque le point optimal pour cueillir les jeunes pousses, réputées concentrer tout l’éclat, l’énergie et la magie de la nouvelle saison.
Autour du volcan, les anciens murmurent que l’umami du shincha n’est pas qu’affaire de terroir : il vient aussi d’un pacte ancestral entre l’homme, la terre et les esprits. On dit que les récoltes sous les nuages de cendres gagnent en douceur et profondeur, comme si la montagne offrait chaque année, à qui ose cueillir tôt, un goût unique, vibrant de force et de vitalité.
Au Japon, la sortie du shincha, c’est un peu comme l’arrivée d’un trésor : producteurs, connaisseurs et familles s’y préparent des mois à l’avance, sachant que les premières feuilles, encore gorgées d’énergie d’hiver, porteront santé et bonheur pour l’année à venir. Dans les villages de Minami-Kyushu, on perpétue la coutume de savourer ce thé en famille ou entre amis, comme un signe de renouveau et d’espérance.
Pour obtenir ce cru mythique, les producteurs scrutent la météo, guettent le moment parfait où la sève est la plus concentrée, cueillent et manufacturent sans attendre, en une journée. Les feuilles passent de la main au panier, puis de la vapeur à la table, sans perdre une once de fraîcheur. L’expérience de dégustation, alors, célèbre la patience, la ténacité et le respect pour la nature volcanique du Japon.
Ce qui distingue le millésime 2025, c’est sa vivacité extrême, sa souplesse lumineuse et son rare équilibre. Cette année, la nature a offert peu de feuilles, mais une émotion intacte : goûter ce shincha, c’est humer à la fois le parfum de la terre noire, la promesse du printemps et l’héritage d’un territoire guidé par les cycles du volcan et la tradition du 88e jour.